Ne sont pas légion ceux qui peuvent dire : « J’ai l’honneur… »
Dans cette Europe en paix depuis 1945 (si on veut bien excepter le conflit yougoslave des années 1990), l’impact émotionnel et psychologique des attentats de 2015 à Paris sonne comme un réveil brutal et soudain, nous sortant de notre torpeur ouatée. Oui, le monde extérieur existe et il n’est pas gentil ! Autant de personnes de la société civile abattues d’un coup à la Kalachnikov ont sidéré l’ensemble des Français jusqu’au plus haut de l’Etat. L’élan de solidarité spontané qui s’en est suivi est bien compréhensible, même si personne ne mettait vraiment les mêmes valeurs que son voisin sous le sigle brandi haut et fort : « Je suis Charlie ». Dès lors, il apparaît normal, qu’un an après le premier attentat, on se souvienne et on veuille honorer la mémoire des disparus.
Mais le choix de cet hommage national par le chef de l’Etat, sous la forme d’une remise de la décoration suprême, je nomme bien sûr la Légion d’Honneur, est plus que contestable.
Répondant à la « vocation d’universalité de la Légion d’honneur », on a si souvent pris l’habitude de récompenser ainsi tout type de réussite, scientifique, industrielle, universitaire, médicale, sportive mais aussi culturelle au sens large, c’est-à-dire pour clore une carrière de chanteur, de danseur, d’animateur en association ou de saltimbanque, qu’on ne s’étonne plus de la voir offrir à n’importe qui, même si j’admire le talent d’Emmanuelle Béart ou de Vanessa Paradis (chevaliers ce 1er janvier). Sûr d’avoir le soutien massif de la nation rassemblée, le président de la République a ainsi accepté que soient inscrites sur la liste des bénéficiaires pour ce 1er janvier (au titre d’une « promotion spéciale » cependant) les victimes des attentats cités plus haut. Outre que ces personnes ne répondent pas au code de l’Ordre qui veut que « La Légion d’honneur est la récompense des mérites éminents acquis au service de la nation, soit à titre civil, soit sous les armes », on voit mal pourquoi il faudrait privilégier les morts dus au terrorisme plutôt que les victimes dues au crash du Concorde ou celles qui brûlèrent dans un accident d’autocar. Mais soit ! Va pour la Légion d’Honneur pour les victimes parisiennes.
Là où le bât blesse et où je m’étrangle (sans être le seul), c’est quand on lit que les journalistes de Charlie Hebdo font partie de cette promotion ! A-t-on oublié que ces anarchistes scatologiques, fiers de « bouffer du curé et du facho », que la bonne presse dépeint avec bienveillance comme « irrévérencieux et grivois », ont passé leur vie à insulter tout ce qui faisait la force de la France, ses grands hommes politiques, la religion, les forces de l’ordre civiles ou militaires notamment. Avez-vous oublié ces Unes immondes qui, au nom de la liberté d’expression, montraient le Pape en train de sodomiser un enfant, le défilé du 14 juillet en « assassins pride » ou proposaient de fêter Noël ainsi : « Chiez dans les crèches, achevez les handicapés, fusillez les militaires, étranglez les curés, écrabouillez les flics, incendiez les banques » ? C’est de l’humour, ah bon ? N’avez-vous pas été saisis de honte et d’horreur lorsque, à l’occasion des obsèques publiques de Stéphane Charbonnier, dit Charb, le 16 janvier 2015, son ami Renald Luzier, dit Luz, a osé publiquement cette confession : « Charb, mon ami, mon amant. Ah, qu’est-ce qu’on s’est enculés toutes ces années ! »…. au micro, lors des obsèques ! Le pire est que cela ne choque plus notre société dépravée. Cela réjouit même nos dirigeants dont on se demande s’ils ne veulent pas sciemment détruire nos racines, nos valeurs et notre patrimoine culturel.
Sinon comment comprendre cette inflation de repentance qui assaille nos hommes (et femmes) politiques ? Pourquoi leur faut-il aller s’excuser d’un passé qui nous appartient, auprès de pays qui n’ont rien demandé et sont, de ce fait, enclins à revendiquer leur part de réparation ? Sinon comment expliquer que notre histoire soit bafouée, et pas seulement à l’école où des pans entiers sont balayés du programme, mais aussi par peur d’affirmer que nous avons été grands.
Regardez, par exemple, cette honteuse reculade qui nous a privés, en 2005, de la commémoration de la plus grande victoire de Napoléon, Austerlitz, (200 ans après la bataille) pour aller parader avec notre plus beau navire de guerre à Trafalgar lors du triomphe des Anglais !
Honte encore de voir ces rues de Paris ou de sa région baptisées du nom de combattants FLN, d’entendre qu’il faut supprimer des fêtes chrétiennes pour les remplacer par des fêtes juives ou musulmanes, colère de voir les Femen profaner nos églises sans être inquiétées, etc.
Certes, le ruban de la Légion d’honneur est un « hochet », comme l’avait d’ailleurs dit l’Empereur lui- même : « C’est avec des hochets que l’on mène les hommes », mais c’est aussi un symbole et un honneur ! Symbole d’actes ou de toute une vie au service des autres, au service du bien commun, bref un symbole altruiste ! Honneur aussi d’être reconnu pour son action généreuse. Nos grands-pères se décoiffaient en croisant un veston orné du ruban rouge, saluant ainsi un être d’exception. L’exception n’est plus la règle puisque l’obligation de la parité est venue s’ajouter aux critères d’attribution. Mérite et parité ne font pas bon ménage car le mérite se moque du « genre ».
Ainsi donc, attribuer la Légion d’Honneur à des personnes qui « conchient » nos valeurs n’offusque plus personne. On avait déjà été conditionnés par le laxisme qui permet à des groupes de rappeurs d’insulter et même de menacer les Français, sans aucun risque (liberté d’expression oblige). Les juges savent-ils ce que veut dire « Nique la France » ? On avait été vaccinés lorsque la FNAC avait primé, comme premier prix d’un concours, oui Madame, la photo d’un quidam se torchant le cul dans les plis du drapeau national, ce même drapeau que nos anciens ont porté de trou d’obus en trou d’obus, malgré leurs blessures. On avait enfin été abasourdis quand le président de la République, n’écoutant pas la quarantaine d’associations patriotiques rangées derrière le président de la Saint-Cyrienne, avait décidé l’inhumation de Jean Zay au Panthéon. Vous savez, ce monsieur qui a écrit un beau poème sur le drapeau tricolore qu’il nomme « torche-cul », « immonde petite guenille », « loque » ou « saloperie tricolore » ! Du reste, ce drapeau, symbole lui aussi, n’est guère plus agité que pour les rencontres sportives. On en a quand même vu un, paraît-il, autour de la Bastille, au milieu des emblèmes étrangers, pour fêter la victoire électorale du présent chef de l’Etat.
Pour revenir au hochet, il est quand même curieux d’observer qu’il vaut mieux être l’ami, même étranger, d’un décideur bien placé pour se le voir octroyer plutôt que de répondre strictement aux termes de la charte de l’Ordre. Quant aux victimes, que nous devons respecter, elles ne se valent pas toutes dans l’hommage que la nation doit leur rendre. Les victimes de Charlie Hebdo méritent-elles plus cet honneur que Hervé Cornara, le gérant très apprécié d’Air Producs, décapité en Isère ? Le caporal-chef qui est retourné sous le feu d’une mitrailleuse, lors de l’embuscade d’Uzbeen, pour ramener son camarade grièvement blessé et qui a été, lui aussi, touché plusieurs fois par des balles, a-t-il eu « la rouge » ?
Je suis désolé de le dire, mais je fais une distinction dans le « mérite » des différentes attributions de la plus haute de nos distinctions nationales et, en tout cas, il m’apparaît que coucher les anarchistes de Charlie Hebdo sur la liste des ayants droit est une insulte à tous les légionnaires, présents ou passés, militaires ou civils, qui ont utilement œuvré pour le bien et le renom de notre pays. Je connais plusieurs officiers, choqués par cette mesure, qui ont écrit au grand Chancelier pour rendre leur décoration.
J’ai honte pour l’image que la France offre à l’extérieur de nos frontières. Austerlitz, FNAC, Jean Zay, Charlie Hebdo, décidemment, je ne suis pas Charlie !
Yves Logette
38, rue Carrière
57600 Forbach
le 06 Janvier 2016