Ramadan

 

Ramadan

 

     « Il n’y a rien qui vaille dans ta cervelle arabisée, camarade ! Durant toute l’année, tu te réfères au calendrier grégorien dans tous tes usages civils et, soudain, tu reviens au calendrier hégirien pour simuler la dévotion. Le mois de mai n’est plus au muguet, mais au Ramadan. Pourrais-tu te rappeler si tu es né un mois de Joumada ou de Dhou al-hijja ? Pourrais-tu dire si tu prends toujours ton congé au mois de Rabia al awal ou de Rajab ? As-tu passé ton bac en 1422 ou 1430 ? Non, tu ne peux rien affirmer de tout cela. Des douze mois du calendrier islamique, tu n’en connais qu’un seul et à la perfection : le mois de Ramadan. Tu connais ses jours, l’heure à laquelle ils se lèvent et l’heure à laquelle ils déclinent, à la minute près.

     Pendant le mois de Ramadan, tout comme toi, les intermittents de l’Islam deviennent spécialistes virulents d’exégèses avec une imbécile assurance que la tartuferie va les rapprocher de Dieu. Ils sont plus dangereux que les prieurs professionnels à la gâchette facile, ces dormants du Daesh qui ne manifestent pas encore de violence par excès d’hypocrisie ou par manque de courage. En revanche, ils usent du support internet pour accroître l’émotion des crédules dans un tapis de terreur. Ils détournent le diable en direction de leurs offices car ils le dépassent en manigances. Hélas, comme l’histoire, la toile Facebook est une passoire ; ils lui font subir des épisodes burlesques dans lesquels les charlatans prennent de gros caractères supérieurs et bénis. Ils énumèrent des gloires scientifiques dans l’ordre religieux que la pauvre histoire n’a jamais connues.

     Basta, camarade ! Facebook ne te demande pas de te faire muezzin de son réseau. Un soir de Ramadan, tu seras à ta Meïda, entouré de ta famille, les manches retroussées, les yeux faisant ventre des plats servis, bavant sur la télé qui tarde à diffuser l’Adhan alors que dans les villes de Syrie, d’Irak ou de Manchester, des enfants meurent horriblement sacrifiés sur l’autel de la violence au nom de ta religion…

     Dénonce les assassins, ne pose pas de questions sur les autres à propos de leurs opinions religieuses, accepte que le juif et le chrétien soient aussi croyants que toi et surtout laisse le païen à son repos dans ses divinités : voilà comment tu te rapprocheras de ton Dieu sans offenser l’humanité, camarade ! »

Djaffar BENMESBAH

Artiste-peintre et journaliste alégérien. Ses parents sont de Ouacif (Grande Kabylie). Il est l’auteur de plusieurs nouvelles et d’un livre sur l’affaire Matoub Lounes intitulé Assassinat de Matoub, vérités, anathèmes et dérives. Journaliste à Alger républicain puis rédacteur en chef de l’Indépendant, il avait collaboré auparavant aux journaux Algérie-ActualitéHorizons, et plus tard, à La TribuneL’Hebdo-LibéréL’Opinion et Le Quotidien d’Algérie. Il est né en 1959 d’un père instituteur devenu tailleur à la Casbah d’Alger puis comptable à la SONATIBA. Le 31 mai 2002, il est séquestré chez lui et torturé par des éléments du DRS. En 2004, il s’exile en France où il vit actuellement en qualité de réfugié politique.