Une image revient à qui l’a mise au monde

 

Une image revient à qui l’a mise au monde

 

Elle rêve et de qui rêve-t-elle de moi
Dans les draps de ses yeux qui rêve sinon moi

Dans ses yeux la durée s’accroche à l’être humain
Mon règne dans ses yeux s’accorde à tous les règnes

Le monde est sur la table des métamorphoses.

Elle ne rêve pas d’un homme mais de moi
Qui suis monstre et vertu animal et principe

Tout entier en plein ciel et tout entier sur terre
Mais qu’elle se dénude autour de mon désir

Et ma foudre devient humidité féconde.

Les corps terrestres sont des règles de sagesse
Ils ont conquis le droit d’aimer et d’être aimé

Seul l’éclat d’un soleil peut en éteindre un autre
Et je n’ai de visage que pour ceux que j’aime

Je bats des ailes je m’affole je m’épuise
Mon plumage vieillit je blanchis comme un os

Le vide m’obscurcit je retourne à mon œuf
Vainqueur réduit à rien abeille sans son miel

Mais un filet de sang survit à la victoire.

 

Léda — Paul Éluard