Texte de Kalimat Tsodek, Malienne
« Je suis africaine, et je pense que Aya Nakamura ne représente pas la chanson française en particulier, ni francophone en général. Cela fait-il de moi une raciste, une réac d’extrême-droite ?
Je suis peut-être un peu vieux jeu, j’ai grandi avec les chansons à texte et les mélodies d’Aznavour, de Mireille Mathieu, de Françoise Hardy, de Bachelet, de Polnareff et d’Iglesias pour ne citer qu’eux. Je suis une grande éprise de la vieille variété française, sa poésie, sa façon de dire l’amour, l’amitié, la solitude et toutes les choses belles et moins belles de la vie, bref son génie.
La chanson française m’a fait aimer davantage la langue de Molière apprise à l’école et qui me permet aujourd’hui d’échanger avec des Français, des Belges, des Suisses, des Subsahariens et tous les locuteurs de cette langue magnifique. Langue avec laquelle j’écris aussi mes sentiments et mes ressentis profonds, mes coups de gueule et mes opinions.
Le français ne m’a jamais détaché de ma langue maternelle, la darija. Bien au contraire, j’adore penser dans ces deux langues, les mêler parfois, créer des néologismes improbables ; ça donne une touche de vaudeville caustique à mes dires et mes écrits. Suis-je francophone ? Oui, indéniablement ! Mais si j’écris un livre avec 20% de mots en français, 40% de mots en darija et 40% d’onomatopées et de novlangue incompréhensible, que je me présente aux interviews vêtue et me mouvant comme une actrice porno américaine, que je commets des fautes d’orthographe d’analphabète à chaque phrase, vais-je me considérer comme une représentante de la littérature francophone ou carrément comme la réincarnation de Georges Sand ou Marguerite Yourcenar ?
Bref, la France de 2024 ne compte certes plus de Léo Ferret, de Moustaki, de France Gall ou de Brassens, mais d’Amal Bent à Zaz, il existe une pléthore d’artistes bien plus aptes à interpréter Edith Piaf, qu’ils soient « issus de la diversité », Français « de souche », de sol, de coeur ou de couche, que cette bruitiste illettrée et vulgaire, à mille lieues de la légendaire élégance et grâce française. A mes yeux d’Africaine, elle ne représente pas plus la chanson malienne qui a donné de grands artistes. En fait, Aya Nakamura ne représente qu’elle-même. Et le déclin hélas inexorable de la culture française sous les coups de boutoir du mondialisme dégénéré. »